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Dernier petit-déjeuner dans le désert, il nous reste 2 heures de marche pour atteindre Chinguetti. 2 heures quand on voudrait 2 jours de plus... Au moins.
Deux heures et l'apparition quasi miraculeuse dans ce paysage minéral d'un petit potager. Des carottes des salades et bien d'autres légumes qui y poussent, abreuvés par l'eau d'un puits traditionnel.
La vieille ville est réellement en mauvais état malgré toutes les promesses de dons et d'aide qui ont été faits par différentes multinationales.
Nous rencontrons un jeune homme qui nous fait visiter la bibliothèque de sa famille et le musée qu'il a créé dans une maison qu'il restaure à grande peine. Il nous montre d'émouvants livres dont certains datent du treizième siècle.
À Chinguetti, plus de quarante mille ouvrages au moins sont stockés dans des conditions terribles, mangés par les termites, abimés par le sable et la chaleur.
Nous continuons notre visite, entouré de vendeurs de bijoux, de chèches ou de nattes en joncs tressés, mais je n'ai pas le coeur de marchander, j'ai plutôt envie d'être encore une fois dans le désert.
Puis nous arrivons dans « l'auberge du bien être » qu'un ami de Théodore Monod a créé. Elle porte vraiment bien son nom avec sa terrasse, son grand puits, les palmiers dattiers qui préservent une douce fraîcheur et trois magnifiques keimas sous lesquelles nous allons passer quelques heures tranquilles.
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Pour remettre la ville dans le contexte, voici un petit historique de Chinguetti.
Remontant à sa création au treizième siècle, Chinguetti a évolué pour devenir une place cruciale dans le domaine religieux et intellectuel de l’islam en Afrique occidentale. Devenue un important centre d'études islamiques, elle attirait des érudits de toute l'Afrique de l'Ouest. Sa mosquée, bâtie durant cette période, figure parmi les monuments les plus vieux toujours debout en Mauritanie, témoignant ainsi de son importance spirituelle. On surnomme également cette cité la « septième ville sacrée » de l’Islam, d'ailleurs, une légende locale raconte que la ville a été fondée par "40 compagnons" du prophète Mohammed,
La ville est célèbre pour ses bibliothèques historiques, qui abritent des milliers de manuscrits anciens sur des sujets variés, allant de la religion à l’astronomie en passant par la médecine et la littérature. Ces collections uniques ont attiré l’attention de nombreux chercheurs, dont le célèbre explorateur et naturaliste français Théodore Monod (que j'évoque ailleurs sur ce site), qui a contribué à faire connaître Chinguetti et ses trésors culturels au monde occidental.
L’architecture de Chinguetti, semblable à celle des autres villes du désert, se caractérise par des habitations construites en pierre brute, dont les murs épais assurent une isolation thermique efficace. Les rues tortueuses et resserrées procurent de l’ombre, préservent des vents brûlants et empêchent le sable de pénétrer. Cette architecture traditionnelle reflète l’habileté remarquable des résidents à s’adapter à un milieu hostile.
Au fil des siècles, la cité a occupé une place centrale dans les échanges commerciaux traversant le désert du Sahara. Grâce à sa position géographique privilégiée, à mi-chemin entre l’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord, elle est devenue un lieu de rassemblement incontournable pour les convois de marchands nomades. Cet apport au commerce a grandement favorisé sa richesse matérielle et spirituelle.
L'eau a toujours été un enjeu majeur pour Chinguetti. La ville dépend de puits profonds et d'un oued (rivière saisonnière) pour son approvisionnement en eau. La gestion de cette ressource précieuse a façonné la vie quotidienne et l'organisation sociale de la communauté.
Il existe une croyance selon laquelle le nom "Chinguetti" viendrait du berbère et signifierait "le puits du cheval", faisant référence à un puits où un cheval aurait miraculeusement trouvé de l'eau.
Mais parfois il y a trop d'eau, par exemple en 1995, Chinguetti a connu des pluies torrentielles exceptionnelles qui ont causé d'importants dégâts aux bâtiments historiques, notamment à la mosquée.
L’agriculture à Chinguetti se heurte aux contraintes imposées par le climat aride, mais les palmeraies voisines favorisent la production de dattes, qui constituent une denrée alimentaire essentielle. De plus, ces palmiers revêtent une grande valeur symbolique et économique (le palmier-dattier protège, il fait de l'ombre, la vente de ses dates sont une source de revenue, ses feuilles, ses fibres et son tronc servent à faire du feu ou sont utilisées pour fabriquer des objets artisanaux comme des nattes, des paniers, ou des meubles...).
Sur le plan politique, Chinguetti, tout comme le reste de la Mauritanie, a traversé des épreuves tumultueuses depuis l’indépendance du pays en 1960. La ville a dû jongler avec les exigences de la modernisation, tout en protégeant sa richesse culturelle distinctive. Elle est maintenant classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, mettant ainsi en évidence son rôle crucial dans l’héritage culturel et historique.
En parlant de politique et des femmes en Mauritanie, lire ce passionnant article :Le « Centre commercial de Chinguetti ».
Toutefois, Chinguetti doit faire face à plusieurs enjeux actuels. En effet, la progression des dunes de sable due à la désertification met en péril sa survie. Le réchauffement climatique aggrave ces difficultés, rendant la condition de vie dans cette zone encore plus ardue. De plus, le recul du mode de vie pastoral traditionnel ainsi que l’exode rural influence négativement la dynamique démographique et économique de la cité.
Bien que confrontée à ces difficultés, Chinguetti continue d’incarner avec force l’héritage et la culture mauritaniens. La conservation de son patrimoine architectural et littéraire, ainsi que l’essor du tourisme culturel, ouvre des perspectives prometteuses pour l’avenir de cette ville captivante, perdue dans le désert.